L’évolution des machines mémétiques

Translated from ‘The Evolution of Meme Machines’  
Paper presented at
the International Congress on Ontopsychology and Memetics, Milan, May 18-21 2002

Susan Blackmore


Here are two translations of the paper into French.
The first is by Pascal Jouxtel of the Société Francophone de Mémétique. Also at http://www.memetique.org/pages/Origines/Liens/mememachine.html

The second was provided by the International Ontopsychology Association and is published in the French edition of their magazine.

See also my Note on Ontopsychology.

L’évolution des machines mémétiques

Traduction de ‘The Evolution of Meme Machines’ article présenté au Congrès International Ontopsychologie et Mémétique, à Milan, 18-21 mai 2002

Traduction revue par P.Jouxtel, de la Société Francophone de Mémétique.

La science mémétique se trouve aujourd’hui dans une situation délicate. En effet, dans le contexte qui environne la biologie évolutionniste, dont il est issu, le concept de mème est correctement interprété, même s’il y est fort débattu. En revanche, en dehors de ce milieu restreint, comme par exemple sur Internet ou dans l’acception la plus répandue dans le public, le mot « mème » est dévoyé. « Mème » est souvent confondu avec « idée » ou « concept » ou bien il est employé comme quelque chose d’éthéré et d’immatériel, à mille lieues des comportements et des objets.

On ne peut pas empêcher l’emploi du terme « mème » avec ces significations différentes, et de ce fait on risque de perdre la véritable force de l’idée d’origine et de créer une grande confusion. Je crois donc utile de faire le point aussi bien sur les origines de la « mémétique » que sur le concept basilaire de mème, que l’on doit concevoir comme un « réplicateur » au cœur d’un processus évolutif. J’emploierai ce concept pour explorer l’évolution des « machines humaines » et des « machines du mème », plus récentes, qui ont évolué à partir de nous, les humains.

L’histoire commence en 1976 avec la publication d’un livre du biologiste évolutionnaire Richard Dawkins, « Le gène égoïste ». Ce livre rendit populaire l’opinion, de plus en plus répandue parmi les biologistes, selon laquelle la sélection naturelle se réalise dans l’intérêt non pas des espèces concernées, ni des groupes, ni des individus, mais avant tout dans l’intérêt des gènes. Même si la sélection se concrétise au niveau de l’individu et parfois du groupe, c’est l’information détenue par les gènes qui est copiée et perpétuée. Ces derniers sont des « réplicateurs » et c’est la compétition entre eux qui conduit à l’évolution du schéma de fonctionnement biologique.

Quand Dawkins expliquait tout cela, il voulait mettre en lumière un principe de « Darwinisme universel ». L’intuition fondamentale de Darwin fut brillante, une idée d’une telle simplicité qu’elle fut considérée comme la meilleure que quelqu’un ait jamais eu : si les choses vivantes varient et que ces variations conditionnent leur capacité de bien survivre ; si parmi celles qui survivent, certaines d’entre elles produisent plus de progéniture et si les survivants passent leurs caractéristiques aux générations suivantes, alors les caractéristiques qui les ont aidés à survivre deviendront de plus en plus communes au cours des générations. Les membres des générations successives auront évolué d’une façon ou d’une autre par rapport à la génération précédente, et ils seront mieux adaptés au milieu où la sélection s’est produite. Darwin démontra que ceci est un processus inévitable qui se produit obligatoirement si certaines conditions sont vérifiées.
Daniel Dennet a baptisé cela « algorithme évolutif » : s’il existe de la variation, de l’hérédité et de la sélection, on obtiendra nécessairement de l’évolution. On obtiendra nécessairement une « forme tirée du chaos, sans l’aide de l’esprit » (Dennet, 1995, page 50).

Dans ce qui précède, il y a deux choses importantes à souligner. Premièrement : cela se produit obligatoirement sitôt que les trois facteurs – variation, hérédité et sélection – sont présents. Il ne s’agit pas de théories incompréhensibles ou magiques. Une fois que l’on a compris les effets d’une variation obtenue en copiant de façon sélective, le résultat devient d’une évidente simplicité. Deuxièmement : le processus ne demande ni un « designer » ni des plans préétablis. Il ne se dirige pas inexorablement vers un modèle en particulier, car tous les changements sont le fruit du hasard et de la nécessité. Le processus de sélection n’est planifié ni par un être vivant, ni par un schéma ou un projet pensé ; il est réglé par le vent et le temps, par le besoin de nourriture et d’oxygène, par l’appétit des prédateurs. La biologie n’a pas besoin de Dieu. L’évolution n’a pas besoin de projet. C’est ce que Dennet appelle « la dangereuse idée de Darwin ». On dit souvent qu’en biologie rien n’a de sens qui ne soit examiné du point de vue de cette théorie évolutionniste.

Nous connaissons tous les modalités de ce processus pour les gènes mais, en explorant la notion de « Darwinisme universel », Dawkins se demanda si d’autres réplicateurs existaient sur notre planète. Depuis, on a observé d’autres exemples, y compris le processus neural et le système immunitaire, mais Dawkins découvrit que là, sous nos yeux, « bien qu’il bouge encore maladroitement dans son bouillon primordial de culture », il existe un autre réplicateur : une unité d’imitation. Il l’appela mème , en faisant dériver du grec ancien le concept de « ce qui est imité » (le son anglais rime avec « cream ») : « un élément d’une culture qui peut se transmettre par des moyens non génétiques, et plus particulièrement par l’imitation ». Cela veut dire que n’importe quelle chose qui est copiée d’une personne par une autre est un mème. Tout ce que vous avez appris en le copiant sur un autre est un mème ; chaque mot de votre langue, chaque façon de parler. Toute histoire que vous connaissez, toute chanson que vous chantez est faite de mèmes. Le fait que l’on conduise une voiture à gauche ou à droite, que l’on boive du Chianti, que l’on pense que les tomates séchées au soleil ne sont plus bonnes, que l’on mette des jeans ou un tee-shirt pour travailler, sont des mèmes. Le style de votre maison et de votre vélo, le dessin des rues de votre ville et les couleurs des bus sont tous des mèmes ou des formes définies par des mèmes (1).

Il n’y a rien d’ésotérique dans ces mèmes. Ce sont de vrais comportements et de vrais artefacts qui remplissent nos vies. Ils sont tout ce qui peut être copié.

Il est facile de vérifier qu’une grande partie de notre culture est faite de mèmes. A partir de là, on est tenté de penser à toutes les expériences comme à des mèmes, et cela n’aide pas. Nous avons besoin, au contraire, d’arriver à une définition. Le cœur du concept de mème est qu’il s’agit d’une information copiée d’une personne à une autre. En outre beaucoup de ce qui se passe dans l’esprit de l’homme n’a rien à voir avec les mèmes.

Premièrement, la perception et la mémoire visuelle n’impliquent pas nécessairement des mèmes. On peut regarder une belle scène ou goûter une nourriture délicieuse et s’en souvenir dans les moindres détails sans pour cela y impliquer des mèmes (à moins d’associer des mots à cette expérience).

Deuxièmement, tous les apprentissages n’impliquent pas des mèmes. Ce que vous apprenez tout seul dans des conditions classiques (associations), ou dans des conditions opérationnelles (tentatives et erreurs), n’est pas nécessairement mémétique (2). Beaucoup d’autres créatures sont capables d’opérer ces processus et d’obtenir des savoir-faire de grande ampleur, mais elles n’ont pas de mèmes, car elles ne peuvent transférer à d’autres ce qu’elles ont appris. Une capacité limitée d’imitation peut exister chez les oiseaux, les dauphins, et probablement chez certains primates. Les chimpanzés et les orangs-outans sont probablement capables de formes très limitées d’imitation, mais seuls les hommes sont capables d’un certain type d’imitation, généralisée et habituelle, qui rend possible l’existence d’un deuxième réplicateur et détermine ainsi l’évolution mémétique.

Nous devons garder en tête que ce nouveau type d’évolution ne procède ni dans l’intérêt des gènes ni dans celui des individus qui portent les mèmes, mais dans l’intérêt exclusif des mèmes. C’est en cela que les mèmes, tout comme les gènes, sont « égoïstes ». Les réplicateurs ne sont pas égoïstes en cela qu’ils auraient une volonté, des désirs et des plans comme peuvent en avoir les êtres humains ; ils ne le pourraient pas, car ils ne sont que des morceaux d’information, qu’ils soient codifiés dans l’ADN ou copiés de cerveau en cerveau par un processus d’imitation. En revanche, ils sont égoïstes dans le sens où ils se font copier chaque fois que cela est possible. Dans le cas des mèmes, ils détermineront nos comportements dans le sens d’une réplication maximale sans préjudice aucun des effets qu’ils pourraient avoir sur nous, sur nos gènes ou sur notre planète.

Cette mise au point faite, on peut se permettre de parler du « point de vue du mème », et se demander : pourquoi certains mèmes survivent et sont copiés dans de nombreux cerveaux alors que d’autres ne le sont pas ?

Le principe général pourrait être exprimé ainsi : certains mèmes ont réussi à se faire copier parce qu’ils étaient bons, utiles, vrais ou beaux, mais d’autres se sont fait copier tout aussi bien alors qu’ils étaient faux et inutiles. Du point de vue des mèmes, ces jugements de valeur n’ont aucune signification. Si un mème peut survivre et être répliqué, il en sera ainsi. Généralement, nous les humains nous essayons de sélectionner les idées vraies et les idées fausses, les bonnes et les mauvaises ; notre biologie nous a organisés pour faire ça assez correctement, mais le problème c’est que nous le faisons d’une façon imparfaite, et nous permettons à des mèmes invérifiables de se copier en nous utilisant comme si nous étions de vulgaires photocopieuses.

Nous pouvons observer bon nombre d’exemples de mèmes « égoïstes » qui survivent bien, tout en étant inutiles, faux et même nuisibles. Souvent il ne s’agit que d’une série de phrases virales qui s’auto-reproduisent, ou parfois de petits groupes de mèmes. Ils sont faciles et intéressants à observer, comme les virus biologiques, car on en cerne facilement le contour. Un groupe de mèmes qui travaillent ensemble est appelé « complexe co-adapté de mèmes » ou « mèmeplexe ». Un exemple que tout le monde connaît bien est cette sorte de virus mental qui voyage par le mail, et vous pousse à transmettre une communication urgente à tous vos amis. Ces messages contiennent souvent un avertissement inexistant, par exemple quand ils affirment qu’il y a un virus qui détruira tout ce qui est contenu dans le disque dur. Si l’on croit à ce message et qu’on le transmet, le petit mèmeplexe pourra être copié de nombreuses autres fois : c’est le mème lui-même qui est déjà un virus. Certains de ces virus ont survécu jusqu’à cinq ans et parfois plus encore (3).

La structure de base de ces virus est une instruction du type « copiez-moi » qui s’appuie sur des menaces et des promesses. On peut retrouver ces mêmes structures dans d’autres mèmeplexes plus importants. Par exemple, Dawkins utilise le Catholicisme comme exemple d’un groupe de mèmes qui existe avec succès depuis des siècles, en s’appuyant sur des énoncés dont l’exactitude scientifique est plus que douteuse. Pendant la messe on raconte que le Christ est revenu d’entre les morts au bout de trois jours. Clairement ceci a tout du conte pour enfants, et il n’est même pas envisagé d’en donner une preuve quelconque. Malgré tout, aujourd’hui encore, des millions de personnes vivent comme si ils y croyaient, tout comme ils croient à l’enfer et au paradis, en un Dieu invisible et tout-puissant, à la naissance du Christ d’une mère vierge et à la Très Sainte Trinité.

Pourquoi ? Une partie de la réponse est que ces mèmeplexes ont la même structure que de simples mèmes viraux. Mais la religion emploie aussi d’autres expédients mémétiques. L’idée d’un Dieu nous plaît à cause de notre désir de connaître nos origines, de comprendre le but de notre existence et d’avoir un être supérieur qui nous protège. Si Dieu pouvait être vu on pourrait sûrement découvrir qu’il n’existe pas, et de ce fait l’invisibilité est une bonne tactique. Dieu peut voir tous nos péchés et il nous punira, mais nous n’aurons la preuve de cela qu’après notre mort. Et si l’on a la curiosité de vouloir vérifier les faits, il faudra se rappeler que la foi est une bonne chose et que se poser des questions par contre n’est pas une bonne chose (c’est l’opposé de ce qui se passe dans les sciences). En outre les mèmes du catholicisme poussent à épouser un Catholique et à porter de nombreux enfants vers la foi, ainsi qu’à convertir d’autres personnes. En donnant son argent aux pauvres on s’assure une place au Paradis, tout comme en contribuant à la construction et à l’entretien des grandes églises, cathédrales, et monuments qui inspireront les conducteurs de mèmes ultérieurs. De toutes ces manières, l’argent et les efforts contribuent à la diffusion des mèmes. Les mèmes font que nous travaillons pour leur propagation (4).

Les mèmes responsables des religions, des cultes, des manies et des thérapies inefficaces, ont été décrits comme des virus de l’esprit car ils infectent les personnes et utilisent leurs ressources tout en étant faux. Certains auteurs ont exagéré l’importance de ce type de mème et ils sont allés jusqu’à sous-entendre que tous les mèmes sont viraux. Bien au contraire, les mèmes peuvent prendre des formes variées à l’intérieur d’une ample gamme. D’un côté, il y a des virus, les religions, les cultes, et les fausses croyances. De l’autre il y a nos plus précieux instruments, ceux qui nous permettent de vivre, comme les langues, la technologie, les coutumes et les théories scientifiques. Sans les mèmes, nous ne pourrions pas parler, écrire des chansons, construire des maisons ou faire bien d’autres choses propres à l’être humain. Les mèmes sont les instruments avec lesquels nous pensons au point que notre esprit est en fait un ensemble de mèmes.

Il est vraiment essentiel de rappeler que les mèmeplexes « à succès » qui dominent aujourd’hui, n’ont pas été projetés intentionnellement par quelqu’un, mais qu’ils ont été créés par le processus de la sélection mémétique naturelle. Il y a toujours eu des mèmes compétitifs, tels les religions, les théories politiques, les façons de soigner les maladies, les modes ou les styles musicaux. Pour bien comprendre l’évolution mémétique il faut se dire que les mèmes que nous voyons aujourd’hui autour de nous sont ceux qui ont survécu dans la lutte pour être copiés. Ils avaient ce qu’il faut pour être un « bon réplicateur ».

La théorie mémétique nous fournit une manière tout à fait nouvelle de regarder le monde en général, et en particulier l’évolution humaine. Par exemple, elle nous fournit de nouvelles explications aussi bien pour l’évolution de l’énorme cerveau humain que pour celle du langage, tous deux difficilement explicables à travers une hypothèse évolutionniste ordinaire.

La taille du cerveau est une belle énigme. Coûteux à construire et à entretenir, il a la dimension maximale que les gènes peuvent produire sans danger. Il est trois fois plus grand, en proportion du poids de notre corps, que le cerveau des grands singes. Pourquoi ? Les théories traditionnelles considèrent les avantages génétiques que cela a pu rapporter, comme d’améliorer la qualité de la chasse ou de se procurer plus facilement la nourriture, ou encore l’habileté à subvenir aux besoins de groupes humains plus larges, avec des caractéristiques sociales complexes. La mémétique fournit une explication complètement différente.

Dans l’arbre de l’évolution des espèces, la bifurcation eut lieu quand les premiers Hominidés commencèrent à imiter, peut-être il y a deux millions et demi d’années, bien avant la découverte de la pierre taillée et l’expansion du cerveau. La vraie imitation s’effectue en copiant un nouveau comportement ou l’habileté d’un autre animal. C’est un exercice difficile qui demande une grande puissance cérébrale, très consommatrice d’énergie et plutôt rare dans le règne animal. Mais une fois que cette capacité est apparue, nous pouvons imaginer que nos premiers ancêtres ont imité rapidement de nouvelles compétences utiles pour la chasse, le transport et la préparation de la nourriture, pour allumer un feu et fabriquer des vêtements.

A peine ces premiers mèmes se diffusèrent-ils, qu’il devint important d’être capable de les acquérir car ils donnaient un avantage à leurs « hôtes ». Ainsi les humains qui furent les meilleurs en imitation devinrent plus résistants ; les gènes qui leur conféraient cette habileté et les cerveaux plus grands qu’elle demandait se diffusèrent dans le « bassin » des gènes. Chacun devint meilleur dans l’imitation, augmentant la pression pour continuer à faire grossir la taille du cerveau.

Quand chacun fut capable d’imiter, les mèmes furent libérés et purent commencer à entrer en compétition entre eux pour être copiés. Parallèlement à certaines habiletés utiles comme allumer le feu, se diffusèrent aussi d’autres mèmes moins utiles, comme celui plus fantaisiste de se décorer le corps ou d’autres sans justification apparente comme la vivifiante mais futile danse de la pluie. Du strict point de vue des gènes, les humains devraient être plus exigeants sur le genre de choses à imiter, ce qui ne devrait pas favoriser les gènes qui permettent une imitation sans discrimination. Mais comment les gènes peuvent-ils avoir la certitude de copier seulement les mèmes utiles alors que les mèmes continuent à changer à un rythme environ dix-mille fois plus rapide que les gènes ? Une bonne stratégie pourrait être de protéger les meilleurs imitateurs, parce qu’ils sont les plus susceptibles de posséder des versions « à jour » des mèmes utiles. Cela améliore leur possibilité de survie et ainsi cela favorise la diffusion des gènes qui en font de bons imitateurs ; des gènes pour imiter les danses de la pluie aussi bien que pour imiter des habiletés utiles. Si cette dérive mémétique va trop loin, les gènes finiront par s’adapter en développant une imitation sélective, mais leurs réponses seront de toute façon en retard par rapport à la compétition mémétique.

Finalement, on devrait payer pour s’accoupler avec les meilleurs imitateurs, parce que dans l’ensemble ils ont les meilleures qualités pour assurer la survie. Cela signifie qu’une sélection sexuelle, guidée par les mèmes, pourrait avoir joué un rôle dans la création de nos grands cerveaux. En choisissant le meilleur imitateur pour un accouplement, les femmes aident à propager les gènes nécessaires pour copier les rituels religieux, les vêtements, les chansons, les danses ou les manières de peindre, selon la direction que l’évolution mémétique a prise. Du fait de ce processus, l’héritage de l’évolution mémétique passée s’emboîte dans les structures de nos cerveaux et nous devenons des créatures musicales, artistes ou religieuses. Nos grands cerveaux sont des dispositifs d’imitation sélective construits par et pour les mèmes, aussi bien que par et pour les gènes.

L’origine du langage peut s’expliquer par le même mécanisme. Les questions concernant les origines et la fonction du langage ont été si controversées qu’à partir de 1866 la Société de Linguistique de Paris bannit toute nouvelle spéculation sur le sujet et aujourd’hui encore, il n’existe, en général, aucune explication communément acceptée.
Les théories les plus populaires s’appuient sur un probable avantage génétique. Le « pilotage mémétique » offre une théorie différente, basée sur l’avantage des mèmes.

Pour mener cette réflexion, il faut se demander quel type de mème aurait le mieux survécu et se serait le plus largement diffusé dans le groupe émergeant des mèmes de nos premiers ancêtres. La réponse générale – pour tout « réplicateur » – désigne ceux qui possèdent une fidélité, une fécondité et une longévité élevées ; en d’autres termes, ceux qui font des copies d’eux-mêmes nombreuses, précises, et durables.

Les sons peuvent être copiés par plusieurs personnes simultanément et plus rapidement que les gestes ou autres actions physiques. Certains sons ont pu être copiés plus exactement et plus fréquemment que d’autres, selon leur valeur en terme de communication ou selon les limites de l’ouïe, des voix et des mémoires des personnes. Il est facile d’imaginer le rôle que ces messages ont pu jouer par exemple en terme d’alerte aux prédateurs ou de signalisation des sites de cueillette (5). Dans cette compétition, les meilleurs « réplicateurs » ont prospéré. Les flux de sons hachés en paroles séparées furent copiés plus soigneusement, car cela permettait une réplication plus efficace. L’utilisation d’un ordre une d’une combinaison des mots différents en diverses circonstances ouvrait des créneaux pour l’expression de plusieurs mèmes. Dans cette compétition, les sons que l’on peut reproduire avec la plus haute qualité ont vraisemblablement submergé les sons les plus pauvres.

Maintenant considérons l’effet sur les gènes : les meilleurs « imitateurs » obtiennent les meilleures atouts de reproduction et de survie, la position la plus élevée et les meilleurs alliés. Les sons qu’ils reproduisent fréquemment sont davantage imités, et deviennent ainsi des sons « gagnants ». Par ailleurs, leurs gènes ont plus de succès, ce qui fait que les gènes qui rendent capable d’imiter les sons gagnants, et en particulier au niveau du cerveau, se répandent dans le « pool » génétique. Je suggère que par ce procédé, les sons qui avaient le plus de succès ont graduellement guidé les gènes vers la création d’un cerveau spécialisé pour les copier. Le résultat fut la capacité humaine du langage. Elle fut propulsée par la compétition mémétique et la co-évolution des gènes et des mèmes.

L’ensemble du processus de pilotage mémétique est un exemple de la co-évolution des réplicateurs avec leurs machines à copier. Tout comme l’ADN a du, à son tour, évoluer avec ses machines cellulaires de réplication, les mèmes ont co-évolué avec les cerveaux humains qui les ont copiés. Cependant l’imitation humaine peut être imprécise. Bien sûr, comparée aux facultés d’imitation des autres espèces, l’imitation humaine est évidemment assez bonne pour alimenter l’évolution mémétique, mais il reste de nombreuses possibilités d’amélioration. La technologie nous en procure sans arrêt. Aussi pouvons-nous nous attendre au cours des prochaines années à des machines à copier toujours plus performantes. De la plume et du papier à l’imprimerie, des téléphones au fax, des ordinateurs à Internet, les machines à copier n’ont jamais cessé de s’améliorer et des mèmes en grand nombre sont en train de se diffuser de plus en plus rapidement.

Prenons un exemple très simple : l’invention du fax. Quand les fax devinrent disponibles, les personnes comprirent qu’elles auraient pu envoyer et recevoir des messages et des informations plus rapidement ; donc, elles achetèrent un fax. Cela les encouragea à envoyer plus de messages par fax et cela encouragea leurs amis et collègues à acheter des machines. Les mèmes envoyés (parmi lequel « c’est chouette le fax »), et les machines qui les copiaient, augmentèrent ensemble, vu que les fax se diffusaient plus rapidement que les lettres ; tous le processus des échanges mémétiques devint plus rapide. Ce même phénomène eut lieu quelques années après avec Internet. Une fois que les e-mail furent possibles, de nombreuses personnes les utilisèrent et envoyèrent toujours plus de messages. « L’infosphère » se répandit plus rapidement, elle est encore en train de s’étendre et continuera sans doute dans l’avenir (6).

Selon notre point de vue, on pourrait voir Internet comme une merveilleuse technologie créée par nous, par notre plaisir et pour mieux vivre nos vies. Selon le point de vue des mèmes, nous les humains nous sommes des machines mémétiques primaires qui les aideront à créer des machines mémétiques toujours plus performantes au bénéfice de leur réplication. Quand on voit un bureau plein de gens esclaves du flux des mèmes avec lesquels ils doivent se confronter – en travaillant toute la journée, en se dépêchant pour trouver de nouvelles informations, etc. – on pourrait raisonnablement se demander pour qui on fait tout cela. Selon le point de vue mémétique, ceci n’est rien d’autre qu’un vaste processus évolutif qui se produit dans l’intérêt de la reproduction des mèmes : l’explosion d’information quotidienne est tout à fait ce à quoi nous devrions nous attendre selon cette hypothèse.

Pour finir, la mémétique a des implications sur la créativité humaine et sur notre nature même. Un des grands avantages de la mémétique est qu’elle traite la créativité humaine comme une nouvelle forme de création de l’évolution. Tout comme le monde biologique fut propulsé par la compétition entre les gènes, le monde culturel est propulsé par la compétition des mèmes. Dans les deux cas il n’existe ni designer, ni plan, ni projets dans l’esprit d’un créateur. Il n’y a pas de dieu qui nous a projetés, tout comme il n’y a pas de « moi » qui a imaginé mon jardin, a écrit mes livres ou a peint mes tableaux. Il peut nous sembler qu’il en est ainsi, mais c’est seulement une illusion.

Du point de vue de la mémétique les plans et les projets dérivent de mèmes issus de la « recombinaison » de mèmes plus anciens. Toute la créativité consiste en cela : la sélection créative utilise le « réemploi » et la « recombinaison » des choses qui se sont produites auparavant.

Pour Daniel Dennet, une personne est « une forme particulière de singe infecté de mèmes ». Tout le monde recueille d’innombrables mèmes du début à la fin de sa vie et ceux-ci (avec nos gènes et le milieu où nous vivons) font de nous les individus uniques que nous sommes en définitive. Alors, n’existe-t-il pas un vrai « soi » qui a une conscience et un libre arbitre ? Non, je dirais que le « soi » est seulement un mot autour duquel les mèmes peuvent tourner ! Tous les mèmes bénéficient du fait que les humains ont une fausse idée du « soi ». Ce concept est seulement un mèmeplexe compliqué, créé par et pour les mèmeplexes pour leur projection et leur réplication (7). Comment pouvons-nous alors vivre notre vie si nous sommes seulement des « mèmeplexes » ? Certains philosophes ont soutenu que le seul résultat pourrait être soit un inutile fanatisme soit une terrible dépression. En réalité il est possible d’abandonner l’idée d’un soi intérieur, et de vivre simplement sa vie comme un « mèmeplexe ». Assez étrangement cela ne semble pas rendre les personnes pires ou plus malheureuses qu’elles ne le sont déjà ; au contraire cela semble être comme une sorte de libération. Dawkins conclut son livre « Le gène égoïste » avec les mots « nous seuls pouvons nous rebeller contre la tyrannie des réplicateurs égoïstes ». J’aimerais, à l’opposé, pouvoir soutenir que nous sommes des « machines mémétiques » créées seulement par et pour ces mêmes réplicateurs : notre seule vraie liberté est justement de ne pas nous rebeller contre la tyrannie des réplicateurs égoïstes, mais au contraire de réaliser qu’il n’y a tout simplement rien contre quoi se rebeller.

Notes :

• 1 • Il serait très intéressant de pousser plus loin l’étude des formes de codages mémétiques, de la même façon qu’en informatique on distingue le modèle conceptuel, le modèle logique et le modèle physique des données. Ainsi pour un vélo, le mème « barre transversale pour les vélos de course et de garçons » s’exprime sur le plan, et donc la gamme de fabrication en usine, mais il s’exprime aussi au niveau du comportement d’achat, de la façon d’accrocher les vélos dans la boutique, et dans le regard porté sur la posture du coureur qui baisse la tête.
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• 2 • On peut admettre qu’il existe dans les processus mentaux de l’individu isolé une forme d’imitation « de soi à soi », et une forme de processus évolutionnaire. JP Changeux, dans « L’homme de vérité », rappelle comment le nourrisson apprend en corrélant le feed-back obtenu en réponse à ses gestes désordonnés, quasiment aléatoires. On peut considérer que l’apprentissage par essai-erreur est lui aussi un processus de sélection qui suit un algorithme génétique. La différence se situe bien dans la capacité de transmettre, donc de codifier l’information gestuelle, fruit de ces processus évolutionnaire. L’artisan peut transmettre l’art de forger le bronze, mais l’enfant ne peut pas transmettre à un autre enfant la connaissance du fait que cet objet à cinq doigts qui passe devant ses yeux est sa propre main, ou encore l’art de se tenir debout sur ses jambes.
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• 3 • Un exemple très particulier, appelé le « virus Danois », donnait très précisément la procédure à suivre pour se débarrasser soi-même de l’infection, en allant débusquer le programme coupable et en le détruisant. Malheureusement, il s’agissait en réalité d’un fichier système de Windows, ce qui fait que le seul dégât infligé à votre ordinateur était directement provoqué par… vous-même ! On rapporte qu’il fit 5000 victimes avant d’être éradiqué, et eut de nombreuses « répliques ». Cette opération, dont on peut supposer qu’elle avait à l’origine une motivation humoristique ou expérimentale, a permis de démontrer qu’on était en présence de virus mentaux et non informatiques.
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• 4 • En toute rigueur, il faudrait dire : les mèmes qui sont aujourd’hui dominants dans une communauté sont ceux qui ont pu mobiliser le plus de ressources afin d’assurer leur propagation, que ce soit par la force militaire, par l’écriture de textes et le contrôle de l’édition, par l’exclusion des cultes alternatifs, par la pacification de la vie collective, par le caractère imposant et spectaculaire des temples et des cérémonies, ou enfin par la maîtrise d’une progéniture importante et éduquée dans la foi.
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• 5 • Il y a probablement une grande part de co-évolution dans les débuts du langage. Elle peut prendre plusieurs formes : d’une part, l’utilisation d’un langage évolué permet une meilleure survie de groupe, les groupes de « parleurs » survivant mieux. Parallèlement, les qualités d’imitation progressent à travers l’évolution du cerveau mais aussi celle du larynx, qui permet une meilleure reproduction de sons plus complexes. Ce qui est troublant, c’est qu’à cette évolution on peut relier toute une grappe de phénomènes dont il est difficile de dire lequel précède l’autre. Ainsi, le chasseur a du parcourir de plus longues distances en terrain découvert ; il s’est redressé car c’est un mode de déplacement plus économique ; les puissants muscles masticateurs, fixés en haut de la boite crânienne, qui lui servaient à broyer les branches dont il se nourrissait sont devenus inutiles. Le cerveau a grossi et a réclamé de plus en plus d’énergie au repos. L’hypothèse du pilotage mémétique nous amène à considérer que dès lors que le cerveau a été capable de reproduire des mèmes, ceux-ci ont « divergé », prenant de facto les rennes de l’évolution et entraînant tout le reste. Si la controverse persiste, c’est peut-être du au fait que plusieurs causes inter reliées sont intervenues dans la même période, comme par exemple une sécheresse en Afrique et une mutation viable au niveau du cortex.
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• 6 • Il se passe un phénomène similaire avec le téléphone portable, et notamment le développement exponentiel du SMS, qui dans la plupart des cas, constitue une espèce d’entité réplicative autonome se reproduisant pour son propre compte, au bénéfice surtout de l’opérateur de télécoms. Le bénéfice pour l’émetteur ou le récepteur humain est quasi nul.
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• 7 • On peut s’interroger sur l’origine du caractère universellement dominant de certains mèmes « incontestés » comme l’unicité du réel ou l’existence d’une entité-arbitre appelée « moi ». Une explication pourrait être que dans les civilisations anciennes, ces points de vue n’étaient pas si dominants, mais qu’à mesure que la société s’est organisée et que la rationalité et notamment la pratique du commerce et des contrats se sont développées, il est devenu plus facile de communiquer dans ce cadre social pour les porteurs de mèmes « conventionnel », tels que l’unicité du réel et la conscience monadique. On peut penser que les porteurs de mèmes alternatifs ont été progressivement relégués dans l’exclusion et la marginalité, jusqu’au point ultime où on les appelle des « fous » et où on les enferme, mettant ainsi un terme à leur capacité mémétique de nuisance.
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Bibliographie

Aunger, R.A. (Ed) (2000) Darwinizing Culture: The Status of Memetics as a Science, Oxford University Press

Blackmore,S.J. (1999) The Meme Machine, Oxford, Oxford University Press.

Dawkins,R. (1976) The Selfish Gene Oxford, Oxford University Press (new edition with additional material, 1989)

Dennett,D. (1995) Darwin’s Dangerous Idea, London, Penguin

L’évolution des machines mémétiques

Translated from ‘The Evolution of Meme Machines’
Paper presented at the International Congress on Ontopsychology and Memetics, Milan, May 18-21 2002

This version was translated by the International Ontopsychology Association and is published in the French edition of their magazine.

La science de la Mémétique nous met devant un problème sérieux. Le concept de « mème » dérive de la biologie évolutive et de la « théorie des copies » et, à l’intérieur de ce contexte, il est correctement compris, même si fortement débattu. En dehors de ce milieu, au contraire, comme sur Internet et dans l’acception commune, le mot « mème » est employé erronément. « Mème » est souvent confondu avec « idée » ou « concept » ou, encore, il est employé comme quelque chose qui oscille entre « l’éthéré » ou le « non-matériel », séparé des comportements et des objets.

Personne ne peut empêcher aux gens communs d’employer le terme « mème » avec ces autres significations : de cette façon on court le risque de perdre le réel pouvoir de l’idée originelle, en générant beaucoup de confusion. J’espère, donc, qu’il peut être utile de faire le point aussi bien sur les origines de la « mémétique » que sur le concept basilaire du « mème » que l’on doit concevoir comme « réplicant » dans le milieu d’un processus évolutif. Dans cette relation j’emploierai ce concept pour explorer l’évolution des « machines humaines » et d’autres plus nouvelles « machines du mème » qui se sont évoluées à partir de nous, les êtres humains.

L’histoire commence en 1976 avec la publication d’un livre du biologiste évolutif, Richard Dawkins, « Le gène égoïste  ».

Ce livre rendit populaire l’opinion de plus en plus diffusée parmi les biologistes selon laquelle la sélection naturelle se réalise non pas dans l’intérêt des espèces impliquées ni des groupes ou, encore, des individus, mais, simplement, dans l’intérêt des gènes. Même si la sélection se réalise surtout au niveau du seul individu , c’est l’information possédée par les gènes qui sera copiée. Ces derniers sont des « réplicants » et c’est la compétition entre eux qui conduit à l’évolution du design biologique.

Quand Dawkins expliquait tout cela il voulait rendre emphatique le principe du « Darwinisme universel ». L’intuition fondamentale de Darwin fut brillante : une idée d’une telle simplicité qu’elle fût considérée comme la meilleure idée que quelqu’un n’ait jamais eu. C’est-à-dire : si les choses vivantes varient avec des modalités telles à conditionner leurs possibilités de bien survivre, et si elles produisent plus progénitures que celles qui peuvent survivre, et si les quelques survécus passent leurs caractéristiques aux générations successives, alors les caractéristiques qui les ont aidés à survivre seront plus communes dans les générations successives. En substance, les membres des générations successives se seront évolués d’une façon ou d’une autre par rapport à la génération précédente, et ils seront mieux adaptés au milieu où la sélection s’est produite. Comme Darwin vérifia, ceci est un processus inévitable qui doit simplement se produire, si certaines conditions se vérifient.

Dennet l’a défini comme « algorithme évolutif » : s’il existe de la variation, de l’hérédité et de la sélection, on devra ensuite obtenir de l’évolution. On devra obtenir un « design en dehors du chaos, sans l’aide de l’esprit » (Dennet, 1995, page 50).

Dans ce processus il y a deux éléments importants à remarquer. Premièrement : il doit simplement se produire, si les trois variables citées auparavant existent. Il ne s’agit pas de théories incompréhensibles ou magiques. Une fois qu’on a compris les effets d’une variation obtenue en copiant de façon sélective, le résultat est évident et merveilleusement simple. Deuxièmement  : le processus ne demande ni un « designer » ni des plans préétablis. Il ne se dirige pas inexorablement vers quelque chose en particulier, car tous les changements sont le produit du hasard et de la nécessité. Cela se produit parce que le processus de sélection n’est ni planifié par un être vivant ni par un schéma ou un projet pensé mais il est réglé par le vent et le temps, par le besoin de nourriture et d’oxygène, par l’appétit des prédateurs. La biologie n’a pas besoin de Dieu. L’évolution n’a pas de projet. C’est ce que Dennet appelle « la dangereuse idée de Darwin ». On dit souvent qu’en biologie rien n’a de sens sans être examiné du point de vue de cette théorie évolutionniste.

Nous tous, nous connaissons les modalités de ce processus pour les gènes mais, dans l’exploration de la notion de « Darwinisme universel », Dawkins se demanda si d’autres « réplicants » existaient sur notre planète. A partir de ce moment-là on a découvert beaucoup d’autres exemples, y compris le processus neural et le système immunitaire, mais Dawkins découvrit que devant nous, bien qu’il bouge encore maladroitement dans son bouillon primordial de culture, il existe un autre « réplicant », une unité d’imitation. Il l’appela mème , en faisant dériver du grec ancien le concept de « ce qui est imité » ( et le son anglais rime avec « cream » ou « seem ») « un élément d’une culture qui peut se transmettre par des moyens non génétiques, mais plus particulièrement par l’imitation ». Cela veut dire que n’importe quelle chose qui est copiée d’une personne par une autre est un mème. Tout ce que tu as appris en le copiant d’un autre est un mème ; chaque mot dans ta langue, chaque façon de dire. Toute histoire que tu connais, toute chanson que tu chantes est un mème. Le fait que l’on conduise la voiture à gauche ou à droite, que l’on boive du Chianti, que l’on pense que les tomates séchées au soleil ne sont plus bonnes, que l’on mette un jeans ou un tee-shirt pour travailler, sont des mèmes. Le style de ta maison et de ton vélo, le dessin de la route de ta ville et les couleurs des bus sont tous des mèmes.

Il n’y a rien d’éthéré dans ces mèmes. Ce sont de vrais comportements et de vrais artefacts qui remplissent nos vies. Ils sont tout ce qui est copié.

Nous pouvons vérifier qu’une grande partie de notre culture est un mème. A ce point il est facile de penser à toutes les expériences comme des mèmes et cela n’aide certainement pas. Nous avons besoin, au contraire, d’arriver à une définition. Le point principal du concept de mème est qu’il s’agit d’une information copiée d’une personne à l’autre. En outre beaucoup de ce qui se passe dans l’esprit de l’homme n’a rien à voir avec les mèmes. Premièrement, la perception et la mémoire visuelle n’impliquent pas nécessairement des mèmes. On peut regarder une belle scène ou goûter une nourriture délicieuse et s’en rappeler dans les détails sans pour cela y impliquer des mèmes (à moins d’associer des mots à cette expérience).

Deuxièmement, pas tous les enseignements impliquent des mèmes. Ce que tu apprends tout seul dans des conditions classiques (associations), ou dans des conditions opérationnelles (tentatives et erreurs), n’est pas nécessairement mémétique. Beaucoup d’autres créatures sont capables de ces processus et d’enseignements extensifs mais elles n’ont pas de mèmes, car elles ne peuvent transférer ce qu’elles ont appris à quelqu’un d’autre. Une capacité limitée d’imitation peut exister chez les oiseaux, les dauphins, et probablement chez certains Primates. Les chimpanzés et les orang-outan peuvent être capables de formes très limitées d’imitation, seulement les hommes sont capables d’un certain type d’imitation générale et diffusée qui rend possible un deuxième « réplicant » et déterminer ainsi l’évolution mémétique.

Nous devrions nous rappeler que ce nouveau type d’évolution ne procède ni dans l’intérêt des gènes ni dans celui des individus qui portent les mèmes, mais dans l’exclusif intérêt des mèmes. C’est pour cela que soit les mèmes, que les gènes sont « égoïstes ». Les « réplicants » ne sont pas égoïstes aussi bien dans le sens qu’ils n’ont ni désirs ou ni plans comme peuvent en avoir les êtres humains ; ils ne pourraient pas ! Ils sont seulement des « bits » d’information, soit qu’ils soient conçus comme codifiés dans le DNA, qu’ils soient considérés comme copiés par un processus d’imitation. Ils sont égoïstes dans le sens qu’ils seront copiés s’ils pourront être copiés. Dans le cas des mèmes, ils nous utiliserons pour pouvoir être copiés sans se préoccuper des effets qu’ils auront sur nous, sur nos gènes, sur notre planète.

C’est seulement maintenant que nous pouvons commencer à parler du « point de vue du mème » et dans cette optique la question principale est pourquoi certains mèmes survivent et sont copiés dans de nombreux cerveaux alors que beaucoup d’autres ne le sont pas. Le principe général pourrait être conçu ainsi : certains mèmes ont réussi à copier parce qu’ils étaient bons, utiles, vrais ou beaux, d’autres l’ont été quand même alors qu’ils étaient faux et inutiles.

Du point de vue des mèmes, cela est insignifiant. Si un mème peut survivre et être répliqué, il en sera ainsi. Généralement, nous les humains nous essayons de sélectionner les idées vraies et les idées fausses, les bonnes et les mauvaises ; après tout notre biologie nous a organisés pour faire ça justement, mais le problème c’est que nous le faisons d’une façon imparfaite, et nous laissons des opportunités à d’autres mèmes à copier en nous utilisant comme si nous étions des « photocopieuses ».

Nous pouvons prendre en considération de nombreux autres exemples de mèmes « égoïstes » qui survivent bien, tout en étant inutiles, faux et même nuisibles. A la fin, il y a simplement une série de phrases virales qui s’autoreproduisent ou de simples groupes de mèmes. Un groupe de mèmes qui travaillent ensemble est appelé « complexe co-adapté de mèmes » ou « mèmeplexe ». Un des exemples est le type commun de virus qui voyage à travers « e-mail », qui pousse à transmettre une communication urgente à tous les amis. Ces messages contiennent souvent un avertissement inexistant, par exemple ils affirment qu’il y a un virus qui détruira ce qui est contenu dans le hard disk. Si l’on croit à ce message et on le transmet, le petit mèmeplexe pourra être copié de nombreuses autres fois : c’est le mème lui-même qui est déjà un virus. Non seulement on a ce type de virus qui bouchent le système entier, mais lorsque les personnes comprennent leurs erreurs, elles envoient de nouvelles communications disant à leurs amis précédemment contactés de ne pas y croire, en bouchant ainsi de nouveau le système. Certains de ces virus ont duré pendant plus de cinq ans ou même plus encore.

La structure de base de ces virus est une instruction du type « copie-moi » qui s’appuie sur menaces et promesses. On peut retrouver ces mêmes structures dans d’autres et plus importants mèmeplexes. Par exemple Dawkins utilise le Catholicisme comme exemple d’un groupe de mèmes qui existe avec succès depuis des siècles, même s’il est faux. Pendant la Messe on fait croire que le vin se transforme littéralement en sang du Christ. Clairement ceci est un « nonsense » , car le vin continue encore à avoir le même odeur et le même goût qu’il avait à l’origine, et on peut démontrer qu’il n’est pas devenu le sang du Christ à travers un test du DNA.

Malgré tout, aujourd’hui encore, des millions de personnes y croient, tout comme ils croient à l’enfers et au paradis, dans un Dieu invisible et tout-puissant, à la naissance du Christ née d’une mère vierge et à la Très Sainte Trinité.

Pourquoi ? Une partie de la réponse est que ces mèmeplexes ont la même structure des simples mèmes viraux. Mais la religion emploie aussi d’autres expédients mémétiques. L’idée d’un Dieu nous plaît à cause de notre désir de connaître nos origines et de comprendre nos buts et d’avoir un être supérieur qui nous protège. Sûrement si Dieu pouvait être vu on pourrait découvrir qu’il n’existe pas, de ce fait l’invisibilité est une bonne tactique. Dieu peut voir tous nos péchés et il nous punira mais nous n’aurons la preuve de cela qu’après notre mort. Et si l’on a la curiosité de vouloir vérifier les choses, il faudra se rappeler que la foi est une bonne chose et que se poser des questions par contre n’est pas une bonne chose (c’est l’opposé de ce qui se passe dans les sciences). En outre les mèmes poussent à épouser un Catholique et à porter de nombreux enfants vers la foi, ou de convertir d’autres personnes. En donnant son argent aux pauvres on s’assure une place au Paradis, tout comme en contribuant à la construction et à l’entretien des grandes églises, cathédrales, et monuments qui inspireront les conducteurs d’ultérieurs mèmes. A travers toutes ses manières, l’argent et les efforts portent à la diffusion des mèmes. Les mèmes font que nous travaillons pour leur propagation.

Les mèmes comme la religion, les cultes, les manies et les thérapies inefficaces, ont été décrits comme des virus de l’esprit car ils infectent les personnes et demandent leurs ressources tout en étant faux. Certains auteurs ont enflé ce type de mème et ils ont même sous-entendu que tous les mèmes sont viraux. Au contraire, les mèmes peuvent varier à l’intérieur d’une ample gamme. D’un côté, il y a des virus, les religions, les cultes, et les fausses croyances. De l’autre il y a nos plus précieux instruments qui nous permettent de vivre, comme nos langues, la technologie et les théories scientifiques. Sans les mèmes, nous ne pourrions pas parler, écrire des chansons, ou faire bien d’autres choses typiques de l’être humain. Les mèmes sont les instruments avec lesquels nous pensons et notre esprit est un ensemble de mèmes.

Il faut remarquer que les mèmeplexes de succès ne furent pas projetés intentionnellement par quelqu’un, mais crées par le processus de la sélection mémétique. Peut-être y a-t-il toujours eu des mèmes-compétitifs, comme religions, théorie politiques, façons de soigner le cancer, modes ou styles musicaux. Mais à propos de l’évolution mémétique on peut dire que les mèmes que nous voyons aujourd’hui autour de nous, sont ceux qui survivent dans la compétition à être copiés. Ils ont eu ce qui est nécessaire pour être un bon « réplicateur ».

La théorie de la mémétique nous fournit une manière tout à fait nouvelle de regarder le monde en général, et en particulier l’évolution humaine. Par exemple, elle nous fournit de nouvelles explications aussi bien pour l’évolution de l’énorme cerveau humain  que pour celle du langage ; tous deux difficilement explicables à travers une ordinaire hypothèse évolutionniste.

La mesure du cerveau est un beau mystère. Coûteux à construire et à entretenir, il a la grandeur maximale que les gènes ont à disposition pour le construire (avec sécurité), il est trois fois plus grand, en proportion, du poids de notre corps, par rapport aux cerveaux des grands singes. Mais pourquoi ? Les théories traditionnelles considèrent les avantages génétiques (qu’il y a pu y avoir), comme ceux d’améliorer la qualité de la chasse ou de se procurer la nourriture ou encore l’habileté à soutenir des groupes humains plus larges, avec des caractéristiques sociales complexes. La mémétique fournit une explication complètement différente.

La déviation eut lieu quand les premiers Hominidés commencèrent à imiter, peut-être il y a deux millions et demi d’années, avant la découverte de la pierre et de l’expansion du cerveau. La vraie imitation se réalise en copiant un nouveau comportement ou l’habileté d’un autre animal. C’est difficile à faire et cela demande un grand pouvoir cérébral et il est plutôt rare dans le règne animal. Mais une fois que celle-ci commença nous pouvons imaginer que nos premiers ancêtres imitèrent de nouvelles capacités utiles pour la chasse, le transport et dans la préparation de la nourriture, allumer le feu et faire des vêtements.

A peine ces premiers mèmes se diffusèrent-ils, il devint important d’être capable de les acquérir. Ainsi les humains qui furent les meilleurs dans l’imitation, devinrent robustes et les gènes qui leur donnèrent cette habileté, et les plus grands cerveaux qu’elle demandait se diffusèrent dans le complexe des gènes. Chacun devint meilleur dans l’imitation, augmentant la pression pour agrandir ultérieurement la mesure du cerveau.

Quand chacun commença à imiter, les mèmes furent libérés et purent commencer à entrer en compétition entre eux pour être copiés. Parallèlement à certaines habiletés utiles comme allumer le feu, se diffusèrent aussi d’autres mèmes moins utiles comme celui fantastique de se décorer le corps, d’autres sans motivation comme par exemple l’énergique mais futile danse de la pluie. Du point de vue des gènes, les humains devraient être exigeants, sur le genre de choses à imiter, et éliminer les gènes qui permettent une imitation sans discrimination. Comment peuvent toutefois les gènes avoir la certitude de copier seulement les mèmes utiles alors que les mèmes continuent à changer?  Une bonne stratégie pourrait être celle de copier les meilleurs imitateurs, parce qu’aujourd’hui ceux-ci sont les plus indiqués pour posséder des versions mises à jour de mèmes utiles. Ceci donne une meilleure position aux plus grands imitateurs ; il améliore leur possibilité de survie et ainsi il aide la diffusion des gènes qui en fait de bons imitateurs ; des gènes pour imiter les danses de la pluie, tout comme pour imiter des habiletés utiles. Si cette évolution mémétique court trop rapidement les gènes répondront mieux dans l’imitation sélective, mais leurs réponses seront de toute façon en retard par rapport à la compétition mémétique. Ceci est le procédé que j’ai défini « memetic drive » : les mèmes sont en compétition entre eux et évoluent dans une direction , les gènes ensuite répondent en améliorant l’imitation sélective, et ceci comporte un incrément du pouvoir et de la mesure cérébrale.

A la fin, on devrait payer pour s’accoupler avec les meilleurs imitateurs, parce que dans l’ensemble ils ont les meilleures qualités pour assurer la survie. Cela signifie qu’une sélection sexuelle, guidée par les mèmes, pourrait avoir joué un rôle dans la création de nos grands cerveaux. En choisissant le meilleur imitateur pour un accouplement, les femmes aident à propager les gènes nécessaires à copier les rituels religieux, les vêtements, les chansons, les danses ou les manières de peindre, en dépendance de la direction que l’évolution mémétique a pris. De ce processus, l’héritage de l’évolution mémétique passée s’emboîte dans les structures de nos cerveaux et nous devenons des créatures musicales, artistes ou religieuses. Nos grands cerveaux sont des dispositifs d’imitations sélectives construits par et pour les mèmes, ainsi que pour les gènes.

L’origine du langage peut s’expliquer avec le même mécanisme. Les questions concernant les origines et la fonction du langage ont été si controverses qu’à partir de 1866 la Société de Linguistique de Paris bannit toute ultérieure spéculation sur le problème et aujourd’hui encore, il n’existe, en général, aucune explication acceptée.

Les théories les plus populaires ont recours à des explications à propos d’un probable avantage génétique. Différente, est la théorie du « memetic drive » basée sur l’avantage des mèmes.

Pour comprendre ce travail, nous devons nous demander quel type de mèmes aurait le mieux survécu et se serait diffusé dans le groupe émergeant des mèmes de nos premiers ancêtres. La réponse générale pour chaque « réplicateur » concerne les mèmes qui possèdent une grande fidélité, fécondité, et longévité ; en d’autres mots, ceux qui font de nombreuses, soignées, et « à longue vie » copies d’eux-mêmes.

Les sons peuvent être copiés par plusieurs personnes plus rapidement que les gestes ou d’autres actions physiques. Certains sons seraient copiés plus soigneusement et plus fréquemment que d’autres, selon leur valeur à l’intérieur de la communication ou selon les limites de l’ouïe, des voix et des mémoires des personnes. Les mêmes sons pourraient avoir des rôles à l’intérieur de signalisations, et dans cette compétition les meilleurs « réplicateurs » prospéreraient. Les flux des sons hachés en paroles séparées seraient copiés plus soigneusement , car cela permettrait une réplique plus efficace. L’utilisation d’un ordre des mots différents en diverses circonstances ouvrirait des créneaux pour plusieurs mèmes. Dans cette compétition les sons que l’on peut reproduire avec la plus haute qualité submergera les plus pauvres.

Maintenant considérons l’effet sur les gènes. Les meilleurs imitateurs acquièrent les meilleures qualités de survie, la position la plus haute et les meilleurs alliés. En outre les gènes grâce à leur capacité d’imiter les sons gagnants, grandissent dans le « pool » de ces mêmes gènes. Je suggère que, à travers, ce procédé les sons qui ont le plus de succès, aient graduellement guidé les gènes à créer un cerveau spécialisé pour les copier. Le résultat fut la capacité humaine du langage qui fut projetée par la compétition mémétique et la co-évolution des gènes et des mèmes.

Le processus complet du « memetic driving » est un exemple de la co-évolution des « réplicateurs » avec leurs machines à copier. Tout comme le DNA a dû, à son tour, évolué avec ses machines cellulaires de réplique, les mèmes se sont co-évolués avec les cerveaux humains qui les ont copiés. Mais l’imitation humaine peut être imprécise. Différemment des imitations dans les autres espèces, l’imitation humaine est clairement assez bonne pour soutenir l’évolution mémétique, mais il y a de nombreuses possibilités d’amélioration. Ainsi nous pourrions nous attendre au cours des années à des machines à copier toujours plus performantes. De la plume et du papier, à l’imprimerie, des téléphones au fax, des ordinateurs à Internet, les machines à copier se sont ultérieurement améliorées et de nombreux mèmes sont en train de se diffuser plus rapidement.

Faisons un exemple très simple : l’invention du fax. Quand les fax devinrent disponibles, les personnes comprirent qu’elles auraient pu envoyer et recevoir des messages et des informations plus rapidement ; ainsi ils achetèrent un fax. Cela les encouragea à envoyer plus de messages à travers le fax et encouragea leurs amis et collègues à acheter des machines. Les mèmes envoyés, et les machines qui les copiaient, augmentèrent ensemble, vu que les fax se diffusèrent plus rapidement que les lettres ; le processus entier des échanges mémétiques devint plus rapide. Ce même procédé eut lieu quelques années après avec Internet. Une fois que les e-mail furent possibles, de nombreuses personnes les utilisèrent et envoyèrent toujours plus de messages. « L’info-sphère » se répandit plus rapidement et elle est encore en train de s’étendre, peut-être augmentera-t-elle encore ultérieurement.

Selon notre point de vue, nous pourrions voir Internet comme une merveilleuse technologie créée par nous, par notre plaisir et pour mieux vivre nos vies. Selon le point de vue des mèmes, nous les humains nous sommes des machines mémétiques primordiales qui les aideront à créer des machines mémétiques toujours plus performantes à bénéfice des mèmes. Quand on voit un bureau plein de gens esclaves du flux des mèmes avec lesquels ils doivent se confronter  –  en travaillant toute la journée, en se dépêchant pour trouver de nouvelles informations, etc.  –  on pourrait raisonnablement se demander pour qui fait-on tout cela. Selon la mémétique ceci n’est rien d’autre qu’un vaste processus évolutif qui arrive en bénéfice de la réplique des mèmes : l’explosion d’information quotidienne est tout à fait ce à quoi nous devrions nous attendre.

Pour finir, la mémétique a des implications sur la créativité humaine et sur notre nature même. Un des grands avantages de la mémétique est qu’elle traite la créativité humaine comme une nouvelle forme de création de l’évolution. C’est-à-dire tout comme le monde biologique fut projeté par la compétition entre les gènes, le monde culturel est projeté par la compétition des mèmes. Dans les deux cas il n’existe ni designer, ni plan, ni projets dans l’esprit d’un créateur. Il n’y a pas de dieu qui nous a projetés, tout comme il n’y a pas de « moi » qui a projeté mon jardin, a écrit mes livres ou a crée mes tableaux. Il peut nous sembler qu’il en est ainsi, mais c’est seulement une illusion.

Du point de vue de la mémétique les plans et les projets dérivent des mèmes provenant de la « recombinaison » des vieux. Toute la créativité consiste en cela : la sélection créative le « réemploi » et la « recombinaison » des choses qui se sont produites auparavant.

Pour Donnet une personne est « une forme particulière de singe infecté de mèmes ». Tout le monde recueille d’innombrables mèmes du début à la fin de sa vie et ceux-ci (avec nos gènes et le milieu où nous vivons) font de nous les individus uniques que nous sommes en définitive. Mais n’existe-t-il pas un réel « soi » qui a une conscience et un libre arbitre ? je dirais non ! Le « soi » est seulement un mot autour duquel les mèmes peuvent tourner. Tous les mèmes bénéficient du fait que tous les humains ont une fausse idée du « soi-même ». ainsi ce concept est seulement un mèmeplexe compliqué, créé par et pour les mèmeplexes mêmes pour leur projection et leur réplique. Comment pouvons-nous alors vivre notre vie si nous sommes seulement des « mèmeplexes » ? Certains philosophes ont soutenu que le seul résultat pourrait être ou un inutile fanatisme ou une terrible dépression. En réalité il est possible d’abandonner l’idée d’un soi intérieur, et vivre simplement la vie comme une « mèmeplexe ». Assez étrangement cela ne semble pas rendre les personnes pires ou misérables que ce qu’elles sont, au contraire cela semble être comme une sorte de libération. Dawkins conclut son livre « The selfish gene » avec les mots «  nous seuls nous pouvons nous rebeller à la tyrannie des réplicants égoïstes ». J’aimerais par contre pouvoir soutenir que nous sommes des « machines mémétiques »créées seulement par et pour les mêmes réplicateurs égoïstes : notre seule vraie liberté est de ne pas se rebeller à la tyrannie des réplicants égoïstes, et de réaliser qu’il n’y a rien contre quoi se rebeller.

Bibliographie

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Blackmore,S.J. (1999) The Meme Machine, Oxford, Oxford University Press.

Dawkins,R. (1976) The Selfish Gene Oxford, Oxford University Press (new edition with additional material, 1989)

Dennett,D. (1995) Darwin’s Dangerous Idea, London, Penguin